Noir, blanc, rouge
Prendre place dans le train. M’installer seul là où trois autres personnes peuvent s’assoir. Prier le ciel pour que cela n’arrive pas. Surtout pas des enfants bruyants. Il n’y a aucune raison, le train est quasiment vide… Avant le départ, elle s’installe en biais.Pose son sac négligemment en face de moi. Un grand sac noir arborant en blanc le nom vulgarisé de la déesse Niké. Des chaussures rangers noires avec des chaussettes noires. Un pantalon noir, un pull noir. Une casquette noire posée à côté d’un sac à main noir, orné de boucles en argent. La coque de son IPhone est noire, les bagues à ses doigts aussi. Sa peau est mate, ses yeux de jais, ses cheveux d’ébène. Un grain de beauté trône sur sa pommette gauche.Tant de beauté et d’harmonie dans son visage, quelle insolence ! Le périscope à son oreille est blanc, il est une parenthèse qui la relie au monde, à son monde. Blanc qui rappelle la sclère de ses yeux et la virgule inversée de la marque. Nausée en noir majoritaire. Le blanc n’est qu’un détail vulgaire. Au-dessus de sa tête, le rouge du marteau brise-vitre m’attire, m’aspire.Il est la couleur. Il est la vie. J’en ai soudain besoin, c’est comme une pulsion, une bouffée d’oxygène dans un bocal qui m’enferme de plus en plus, me rappelle que j’ai peur du noir…Je sens la sueur perler sur mon front, j’étouffe. NoirNoirNoir
Et son sang, est-il noir lui aussi ?
D’un coup, je me lève et brise le carreau pour m’emparer du marteau.
Il retombe sur son crâne, le fend en deux.
Le sang gicle. Il est rouge.
Je respire.